ACE Energie vous propose de découvrir une startup œuvrant comme elle dans le domaine de la transition énergétique. Pour cette édition du “startup profile”, Alexis Ducrocq a interviewé Grégoire Alston, Co-fondateur de ReSoil.
Que fait ta startup ?
La mission de ReSoil est de favoriser la transition vers une agriculture durable pour la planète, économiquement viable pour les agriculteurs, mais aussi comprise par tous en reconnectant le monde agricole et le monde de l’entreprise.
Nos activités s’articulent autour de la mesure et du financement de la transition agricole. Notre équipe d’agronomes accompagne les fermes avec des ateliers de production grandes cultures et légumières vers des pratiques bas carbone et favorables à la biodiversité. Nous aidons les agriculteurs à financer ces changements de pratiques agricoles de deux façons :
- Tout d’abord via la contribution (ou compensation) carbone d’entreprises locales à travers la vente de crédits carbone certifiés par le Label bas-carbone. 1 crédit carbone correspond à 1 tCO2e évitée ou stockée dans les sols de l’exploitation agricole. Nous fonctionnons en circuit court, en tant qu’unique intermédiaire entre l’agriculteur et l’entreprise, pour éliminer les commissions d’intermédiaires afin de mieux rémunérer l’agriculteur pour ses changements de pratiques, et maximiser l’impact de l’investissement climat de l’entreprise engagée. Nous proposons aux entreprises de financer des projets de fermes situées à quelques kilomètres de chez elle, pour être acteur de leur territoire et les inviter chaque année sur la ferme dans le but de créer du lien avec l’agriculteur et sensibiliser les collaborateurs sur les enjeux agriculture, climat et biodiversité.
- Ensuite, via la mise en place de primes filières agroalimentaires sur des critères carbone et biodiversité. Cela signifie créer des cahiers des charges de production qui suivent des indicateurs environnementaux, afin de réduire les émissions liées aux cultures, et donc le scope 3 du bilan carbone des entreprises du secteur agroalimentaires. En échange, l’agriculteur leur vend sa production un peu plus cher (prime).
Quel est le problème principal auquel vous apportez une solution ?
L’agriculture est le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre de la France et représente 25% des émissions mondiales. Pourtant, c’est en même temps un potentiel immense de puits de carbone additionnel. Une étude de l’INRAE montre que l’on pourrait stocker chaque année 21 millions de tCO2e supplémentaires dans les sols agricoles en France !
Pour y arriver, il faut mettre en place de nouvelles pratiques agricoles : insérer des couverts végétaux pour ne pas laisser les terres à nu afin d’augmenter la photosynthèse, réduire le travail du sol, diversifier les cultures, intégrer des légumineuses dans la rotation, ou encore substituer des engrais minéraux par des engrais organiques.
Mais ces nouvelles pratiques ont un coût d’implantation, que les agriculteurs ne peuvent pas supporter seuls. Et les bénéfices associés à ces pratiques sont communs à tout le monde : préservation du climat, de la biodiversité, mais aussi renforcement d’une alimentation durable, locale et de qualité. L’agriculture régénératrice, c’est une façon de revaloriser économiquement et socialement le travail de l’agriculteur.
ReSoil permet donc d’identifier les bons leviers à mettre en place sur la ferme en fonction du contexte pédoclimatique, de suivre et mesurer l’impact de ces leviers, et de financer leur mise en place pour lever les freins à la transition agricole.
Comment as-tu eu l’idée de cette approche pour le résoudre ?
Nous avons créé ReSoil avec Luc Bailly et Yohann Vrain lorsque le cadre légal autour des crédits carbone s’est structuré en France. Suite à l’Accord de Paris, le Ministère de la transition écologique a créé en 2018 le Label bas-carbone, pour encourager le développement de puits de carbone naturels forestiers et agricoles en France. L’idée de ce Label est d’en finir avec le greenwashing qui peut parfois exister autour des crédits carbone sur certains projets internationaux, par manque de transparence sur les projets et sur leur impact réel sur l’environnement ou sur les populations locales.
Ce Label apporte une crédibilité scientifique à la contribution (ou compensation) carbone sur le territoire : les méthodes de calcul permettant de mesurer les tonnes de CO2e séquestrées, réduites ou évitées sur les projets sont publiques et définies par des collèges d’experts scientifiques. Nous avons fait labelliser chez ReSoil les tous premiers projets agricoles suivant la méthode Grandes Cultures du Label bas-carbone il y a bientôt 2 ans. Ce Label est tenu par les DREAL (Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) qui instruisent toutes les demandes de labellisation et tiennent un registre des projets et des financeurs. Une seule transaction est autorisée, entre le financeur et le porteur de projet pour éviter la spéculation et le détournement de l’outil. Les projets sont bien sur audités par un tiers indépendant pour vérifier leur impact.
Comme le recommandent le cabinet Carbone 4 et l’Ademe à travers Net Zero Initiative, la contribution carbone est un des piliers clés d’une stratégie climat globale pour une entreprise. Elle doit être mise en place en parallèle de la sa stratégie de réduction de ses propres émissions.
Quels sont les plus gros défis que vous rencontrez en ce moment ?
Notre plus gros défi actuel est de sensibiliser les entreprises sur l’importance, mais aussi le sens, de la contribution carbone. Leur expliquer la démarche, comment cela doit s’inscrire en parallèle de la réduction des émissions – et sans attendre 2050. Les scandales internationaux ont terni l’image des crédits carbone. Les entreprises ont donc peur de mal agir, mais l’inaction climatique est encore pire ! De plus, la notion de compensation a trop longtemps été en vogue laissant entendre qu’acheter des crédits carbone permettrait d’annuler les émissions de l’entreprise. C’est bien évidement faux. Si l’on voulait « compenser » l’ensemble des émissions mondiales, il faudrait l’équivalent de 5 planètes terre pour séquestrer assez de CO2 par photosynthèse ! Il faut donc à la fois réduire ses émissions et régénérer les puits de carbone naturels, ce qui favorise également la préservation de la biodiversité. C’est ce qu’on appelle contribuer à la neutralité carbone. C’est cette mécanique que nous rappelons aux entreprises.
Pour rétablir la confiance, nos projets de transition agricole ultra locaux – que nous développons dans toutes les régions de France – rassurent. Avec notre fonctionnement en circuit-court, sans intermédiaire entre l’agriculteur et l’entreprise contributrice, nous apportons une transparence totale sur les projets, et sur l’utilisation du financement carbone sur la ferme. Cette transparence est clé pour garantir l’impact. Cela nous permet également de créer une vraie émulation collective lorsque les entreprises viennent visiter les fermes qu’elles soutiennent, pour sensibiliser les collaborateurs sur l’urgence climatique et créer un vrai lien social avec l’agriculteur. Nos clients sont donc des entreprises engagées, et moteurs de leur territoire.
Comment tu vois évoluer ce secteur dans les 5 années à venir ?
La prise de conscience de l’enjeu climatique s’est déjà fortement accélérée au cours des deux dernières années. La CSRD au niveau européen, qui implique des obligations de reporting standardisées (et donc comparables entre les entreprises !) va encore accélérer les choses. Il est également prévu un registre européen des crédits carbone à horizon 2028 pour apporter plus de transparence. En établissant leur feuille de route de réduction d’émissions, de plus en plus d’entreprises définissent également leur feuille de route de contribution carbone. L’Europe vise la neutralité carbone en 2050, ce qui rend nécessaire le développement de la contribution carbone, et ce dès aujourd’hui.
Et de l’autre côté, nos agriculteurs sont déjà prêts ! Ils veulent faire évoluer leur outil de production, et adopter des pratiques meilleures pour leurs sols, pour le climat, pour leur santé et pour la biodiversité ! Nous recevons des appels chaque semaine d’agriculteurs qui veulent comprendre ce qu’ils pourraient améliorer sur leur ferme, et comment nous pouvons les accompagner dans la mise en place et le financement de ces leviers bas carbone.
Je lance donc un appel à toutes les entreprises responsables et engagées : n’attendez plus, et agissez dès maintenant ! Jetez un œil aux projets de transition agricole que nous développons autour de chez vous : https://www.resoilag.com/nos-projets-agricoles.
Et si vous voulez en savoir plus, contactez l’équipe ReSoil !