Note à destination des pouvoirs publics concernant la valorisation des certificats d’économies d’énergie dans le cadre des Coups de Pouce résidentiels

1.La modification des forfaits Coups de Pouce engendre un coup d’arrêt de la rénovation énergétique en France

Le début de la cinquième période des CEE est marqué par un prix de marché des CEE en dessous de 6 € / MWhc, soit une baisse d’environ 25% par rapport à l’année passée. Cette baisse est liée au surplus de CEE, autour de 400 à 500 TWhc[1] à disposition des obligés à la fin de la quatrième période. En réaction à cette baisse et afin de soutenir les prix des CEE, la DGEC a, en particulier, décidé de réviser les forfaits des Coups de Pouce résidentiels Chauffages et Rénovations performantes conduisant à une augmentation du prix minimal reversé au bénéficiaire de 5,5 € / MWhc à 6,5 € / MWhc[2] aux dates suivantes :

Les Coups de Pouce ont généré deux tiers[3] des CEE dans le secteur résidentiel au cours du mois de janvier 2022, l’augmentation du prix minimal reversé au bénéficiaire correspond donc à une part très importante des aides financières à la rénovation énergétique à destination des particuliers.

Dans un contexte de crise énergétique exceptionnelle, les problématiques inhérentes à l’inflation des prix des énergies ont éclipsé la crise du marché[4] des CEE. Le contexte réglementaire et de marché n’a pas conduit les obligés à résorber le déficit de liquidité et la conjoncture de prix bas de marché du CEE[5].

Ainsi, la situation actuelle est telle que les prix du marché sont inférieurs au prix minimal à reverser aux bénéficiaires dans le cadre des Coups de Pouce, en particulier à partir du 1er avril pour le Coup de Pouce Chauffage. En conséquence, le marché de la rénovation risque de subir un coup d’arrêt brutal du fait de l’impossibilité de proposer les offres Coups de Pouce pour les mandataires et les délégataires[6].

Avec le régime prévu pour le 1er avril, le bénéficiaire doit supporter un reste à charge bien plus important. À titre d’illustration l’aide financière CEE, pour un ménage précaire, pour la pompe à chaleur air / eau de 4 000 € serait divisée par un facteur ~10 sans la bonification associée au Coup de Pouce.

Par ailleurs, comme le relève le communiqué de presse officiel du ministère du jeudi 17 mars, Jean Castex a annoncé l’augmentation de l’aide MaPrimeRénov’ pour la pompe à chaleur afin d’accélérer la lutte contre la précarité énergétique. À ce stade le gouvernement n’a pas évoqué de mesure concernant le dispositif des CEE.

Par conséquent, le total des subventions MaPrimeRénov’ et CEE pour une pompe à chaleur air / eau est réduit de 8 000 € à moins de 5 500 € pour les ménages les plus précaires pour des travaux engagés à partir du 1er avril 2022 qui ne bénéficieraient pas du Coup de Pouce. Cette baisse de financement, couplée à une inflation élevée des biens et des services, risque de ralentir le rythme de réalisation de travaux d’efficacité énergétique. L’absence de mesure dans les CEE est contradictoire avec le contexte nécessitant d’accélérer la rénovation énergétique des logements pour réduire la dépendance au gaz, en particulier russe.

Par ailleurs, cette mesure de prix minimum va conduire à un coup d’arrêt, engendrant de fait un risque de faillite majeur pour la filière d’installation de chauffages renouvelables alors même qu’elle joue un rôle clé pour la transition énergétique.

Concernant le sujet spécifique de l’isolation, les bonifications ont été drastiquement réduites, à l’exception des isolations murales[7], dans un objectif de privilégier les rénovations globales (qui intègrent nécessairement de l’isolation). Toutefois, du fait des difficultés opérationnelles, les volumes engagés en rénovation globale ne répondent pas aux ambitions de massification. En outre, le Coup de Pouce Rénovation performante d’une maison individuelle pâti également de la révision des forfaits, et ce, depuis le 1er janvier 2022, en contradiction avec les objectifs nationaux de rénovation.

En conclusion, la mise à l’arrêt temporaire de ces opérations risque de grever fortement l’action du dispositif dans son ensemble alors qu’il constitue le premier mécanisme de financement de la rénovation énergétique en France.

 

2. Le refus de la DGEC concernant la mise en œuvre de frais de gestion repose sur une base juridique mal définie et induit une rupture d’équité entre les acteurs des CEE

Afin de continuer à financer des travaux de rénovation en mobilisant les Coups de Pouce résidentiel, certains acteurs ont évoqué le recours à un mécanisme de frais de gestion pour continuer à mener les opérations concernées. Ces frais de gestion, facturés à l’installateur ou bénéficiaire, auraient permis au bénéficiaire de toucher la totalité de la prime CEE, avec toutefois un risque d’augmentation du coût des travaux pour ce dernier. La solution a été exposée au COPIL du 15 février 2022 de la DGEC et a été écartée par cette dernière, celle-ci ayant averti d’une potentielle radiation de la charte Coup de Pouce le cas échéant.

Comme évoqué plus haut, un mandataire / délégataire CEE n’a alors d’autres choix que de proposer une offre hors du Coup de Pouce pour ne pas être déficitaire sur l’opération. Il convient alors d’attirer l’attention sur le fait que le bénéficiaire fait face à un reste à charge bien plus important que dans la situation où il serait possible de mobiliser le Coup de Pouce avec des frais de gestion.

Par ailleurs, concernant le sujet de la radiation de la charte Coup de Pouce, on peut noter que celle-ci serait très difficile à défendre juridiquement. En effet cette pratique est déjà largement mise en place et peut par ailleurs s’appuyer sur des fondamentaux économiques (frais d’accès à une plateforme numérique, préfinancement des dossiers de rénovation, etc.) indépendamment de la problématique associée à la TVA. Ainsi certains acteurs facturent d’ores et déjà des frais de gestions et continueront à le faire induisant un désavantage concurrentiel fort pour les acteurs respectant l’interdiction de recourir à des frais de gestions.

 

3. Proposition de mesures pour maintenir le rythme de déploiement du chauffage renouvelable dans le bâtiment résidentiel

Pour faire face à cette situation exceptionnelle de marché, la solution la plus simple serait de repousser le changement de forfait à une période où les prix des CEE deviennent à nouveau compatibles avec ce changement de valorisation.

ACE Énergie relève que le gouvernement à évoquer le doublement de l’obligation à partir de 2024. Elle propose dans un premier temps d’augmenter le volume de l’obligation du niveau du surplus généré en quatrième période (allant de 400 à 500 TWhc avec les données à disposition), et ce, dès 2022 et de donner le plus rapidement possible de la visibilité sur le niveau d’obligation à partir de 2024. Cette mesure peut intervenir de manière concomitante avec celle évoquée au premier paragraphe, mais ne devrait en aucun cas intervenir avant.

Par ailleurs concernant l’éligibilité des anciens systèmes de chauffages à un Coup de Pouce et pour s’assurer d’accélérer la sortie de la dépendance au gaz russe, ACE Énergie recommande comme mesure de long terme, en supplément des mesures précédentes, de faire porter la bonification Coup de Pouce Chauffage sur le remplacement de toutes les chaudières gaz ayant été installées avant 2019, année de mise en place du Coup de Pouce.

Enfin, ACE Énergie considère que la réflexion sur la mise en œuvre de corridors de prix CEE devrait être approfondie.

 

 

[1] Le surplus fin 2021 était d’environ 350 TWhc par rapport au niveau de l’obligation, ce volume devrait encore augmenter au cours des 6 premiers mois de 2022.

[2] Les prix minimaux reversés au bénéficiaire pour les Coups de Pouce Isolation sont supérieurs.

[3] Sources : DGEC.

[4] A titre d’illustration concernant les volumes engagés : 5,4 TWhc ont été engagés en janvier 2022 contre 7 TWhc en janvier 2021 sur le Coup de Pouce Chauffage, 0,1 TWhc ont été engagés en janvier 2022 contre 8,2 TWhc en janvier 2021 sur le Coup de Pouce Isolation.

[5] Outre les éléments évoqués dans le premier paragraphe, il est possible de mentionner les éléments de soutien au cours des CEE suivant : la plus grande difficulté à produire des CEE (fin de bonifications précarité et révision des forfaits Coup de Pouce), en particulier des CEE précarité, l’augmentation de l’obligation de 17,2% pour la période 5, et le risque de destruction du marché de la rénovation par des prix de CEE bas.

[6] A l’exception des volumes contractuels résiduels signés lorsque les prix de marché étaient supérieurs.

[7] Le volume de CEE délivré pour l’isolation murale devrait aussi être réviser à la baisse à compter du 1er mai bien qu’elle ne fasse pas partie des Coups de Pouce, cela est un facteur de plus grande difficulté de production.

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